Le célèbre polygraphe Ibn Ḥazm de Cordoue (m. 456 H/1064 A.C.) est une figure tout aussi ambivalente que clivante ce qui permet de mettre en relief les stratégies narratives, la rhétorique mémorielle et les positionnements idéologiques des spécialistes qui ont écrit sa biographie. Ibn Ḥazm prétexte de ses réflexions morales et philosophiques sur l'essence de l'amour pour composer au XI e siècle son fameux traité Le Collier de la colombe (Ṭawq al-ḥamāma). Ce traité suscite la curiosité des orientalistes du XIX e et XX e siècles de par ses anecdotes descriptives de la capitale omeyyade et de sa population avant et pendant la Révolution de Cordoue. D'aucuns considèrent l'historien hollandais R. Dozy (m. 1883) comme le savant précurseur à l'origine de l'engouement orientaliste pour la figure ḥazmienne. En proposant une nouvelle méthodologie historiographique relative à la Péninsule ibérique médiévale, il attire l'attention d'une nouvelle génération d'orientalistes académiques. Les orientalistes du XIX e et XX e siècles s'emparent de l'unique manuscrit du Collier qui nous est parvenu et le traduisent en plusieurs langues européennes. Nous discuterons dans cet article des raisons qui ont poussé les orientalistes à s'intéresser au Collier et à son auteur. Nous nuancerons le mythe ancré dans les études ḥazmiennes, à savoir une découverte européenne ex nihilo de l'oeuvre ḥazmienne attribuée au seul Dozy. Nous verrons comment Dozy a réussi à fabriquer et à imposer son image romantique. Outre l'engouement orientaliste à l'égard du Collier, Ibn Ḥazm aurait-il eu la même notoriété si la découverte du fameux traité amoureux n'avait pas eu lieu ?