Le tragique du paysage - Université Paris 8 Vincennes - Saint-Denis Accéder directement au contenu
Chapitre D'ouvrage Année : 2022

Le tragique du paysage

Soko Phay
  • Fonction : Auteur
  • PersonId : 1263874
  • IdHAL : soko-phay

Résumé

In Cambodia, the beauty of the landscape very often evokes the proximity of "water and land", as evidenced by the Khmer term ទy ក ដ" (teuk dey), which refers above all to the territory that is as much connected to the land as to the rivers and lakes. Rural landscapes are traditionally represented by rice paddies, with their bodies of water, particularly during the monsoon season when their green color is striking. Similarly, the rulers of the Khmer kingdom always established their capitals not far from the water, as in the case of Phnom Penh, established as the capital in 1863. This ancient "pearl of Asia" was built at the convergence of four arms: the Mekong upstream, the Mekong downstream, the Tonlé Sap and the Tonlé Bassac. The splendor of a landscape is associated with the harmonious relationship between water and land, one irrigating the other. Yet can we still speak of the beauty or magnificence of a landscape today, when we know that the earth has been ravaged by successive conflicts? Millions of explosive devices, including more than 500,000 anti-personnel mines and 400,000 cluster bombs, have been buried near roads, undergrowth or border areas, transforming Cambodia into one of the most heavily mined countries in the world, killing and maiming more than 60,000 people 1? There are also over 30,000 mass graves 2 throughout the country, which have become places of oblivion for the population. More than forty years after the Khmer Rouge regime, the traces of the massacres are barely visible, apart from a few memorial sites such as S.21, the extermination center transformed into a genocide museum in the heart of Phnom Penh, or Choeung Ek, also known as Killing Fields, the main execution site located in the countryside, 10 kilometers from the capital. How can we show a "landscape-memory", understood here as any artistic production that questions the close links between landscape representation, memory and history? My study will focus on the traces of conflict or their erasure in Cambodian landscapes, as worked by contemporary artists, with an emphasis on two topoi: the countryside, which has become a place of burial, and cities, such as Phnom Penh, which are becoming places of oblivion. Rithy Panh, Rattana Vandy, as well as Cristobal Bouey, Rida Srun and Rafael Meideros, all three of whom took part in the "Memory and Landscape" workshop-laboratories, share with us their experience of landscape, experience in the sense of the German word Erlebnis, which refers to the ordeal experienced. Their works reveal the aftermath of landscapes and, at the same time, the repression of history.
Au Cambodge, la beauté du paysage évoque très souvent la proximité de « l'eau et la terre » dont témoigne le terme khmer ទy ក ដ" (teuk dey) qui désigne avant tout le territoire qui se rattache aussi bien à la terre que les fleuves, rivières et lacs. Les paysages ruraux sont représentés traditionnellement par les rizières, avec leur plan d'eau, en particulier durant la mousson où leur couleur verte est saisissante. De même, les souverains du royaume khmer ont toujours établi leur capitale non loin des flots, à l'image de Phnom Penh, érigée en capitale en 1863. Cette ancienne « perle d'Asie » a été construite à la convergence de quatre Bras : le Mékong en amont, le Mékong en aval, le Tonlé Sap, le Tonlé Bassac. La splendeur d'un paysage est associée à la relation harmonieuse entre l'eau et à la terre, l'un venant irriguer l'autre. Cependant peut-on parler encore aujourd'hui de beauté ou de magnificence d'un paysage, lorsqu'on sait que la terre est meurtrie par des conflits successifs ? Des millions d'engins explosifs, dont plus de 500 000 mines antipersonnel et 400 000 bombes à sous-munitions, ont été enterrés à proximité des chemins, des sous-bois ou des zones frontalières, transformant le Cambodge en un pays les plus minés au monde, tuant et mutilant plus de 60 000 personnes 1 ? On dénombre également plus de 30 000 charniers 2 sur tout le territoire qui sont devenus des lieux d'oubli pour la population. Plus de quarante ans après le régime khmer rouge, les traces des massacres sont peu visibles, hormis les quelques sites mémoriaux comme S.21, le centre d'extermination transformé en musée du génocide au coeur de Phnom Penh, ou comme Choeung Ek, appelé aussi killing fields, le principal lieu d'exécution situé en pleine campagne, à 10 kilomètres de la capitale. Comment donner à voir un « paysage-mémoire », entendu ici comme toute production artistique qui interroge les liens étroits entre la représentation du paysage, la mémoire et l'histoire ? Mon étude portera sur les traces des conflits ou leurs effacements dans les paysages cambodgiens, telles qu'elles sont travaillées par les artistes contemporains, en mettant l'accent sur deux topoï : les campagnes, qui sont devenues des lieux de sépulture, et les villes, comme Phnom Penh, qui se transforment en lieux d'oubli. Rithy Panh, Rattana Vandy, mais également Cristobal Bouey, Rida Srun et Rafael Meideros, qui ont tous les trois participé aux ateliers-laboratoires « Mémoire et paysage », nous font partager leur expérience du paysage, expérience au sens du mot allemand Erlebnis qui renvoie à l'épreuve vécue. Leurs oeuvres révèlent l'après coup des paysages et dans le même temps, le refoulement de l'Histoire.
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Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)
Licence : CC BY - Paternité

Dates et versions

hal-04136861 , version 1 (21-06-2023)

Identifiants

  • HAL Id : hal-04136861 , version 1

Citer

Soko Phay. Le tragique du paysage. Le paysage après coup, Naima, 2022, 978-2-37440-171-3. ⟨hal-04136861⟩
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